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jeudi 27 mars 2008

Grenelle de l’environnement : Borloo prépare une loi fourre-tout pour enfumer l'adversaire

Un avant-projet de loi gros comme l'annuaire ! Il fallait au moins ça pour traduire en actes les grandes ambitions environnementales de Sarko. Et donner un cadre législatif aux 238 propositions issues du Grenelle de l'environnement d'octobre dernier. Le texte en est aux ultimes arbitrages avant examen, par le Conseil d'Etat et celui du Conseil économique et social.
Problème de l'actuel projet, une chatte risque de ne pas y retrouver ses petits. Comme si la grande cathédrale écologique vendue sur plan par le chef de l'Etat, à l'automne, devait res­ter floue, au printemps, pour ne décevoir personne. C'est le ré­sultat d'une stratégie mûrement assumée. « Soit on écrivait un texte super politique avec une loi mère et dix lois filles, soit on met­tait tout dans le même ouvrage. Finalement, le texte est tellement touffu qu'on espère diviser l'adversaire.
Les associations nous attendaient sur du symbolique, c'est hyper technique, elles vont avoir du mal à mobiliser l'opi­nion », explique un stratège du gouvernement. C'est dire si l'équipe Borloo se sent sereine avant le débat parlementaire...
Il est vrai que le gouverne­ment navigue entre deux récifs.
Les écologistes ne cessent de ré­clamer que les changements promis se retrouvent dans les textes. Les parlementaires, de leur côté sont plus sensibles que jamais aux pressions des lobbies. Les sénateurs ont déjà dé­naturé, en première lecture, le projet de loi OGM. Et le gou­vernement craint que les dépu­tés n'en remettent une couche, le 2 avril, à l'Assemblée. Le projet de loi Grenelle risque, lui, de provoquer une levée de fourches. Notamment celles des agriculteurs, grands défenseurs des agro carburants. Dernier cadeau de Chirac à la FNSEA, l'essence à base de colza ou de tournesol est désor­mais accusée de mettre en péril l'approvisionnement alimen­taire de la population mondiale.
Le gouvernement a donc décidé de réduire, certes modestement, les objectifs arrêtés par Villepin en 2006 et d'y mettre des condi­tions. « La production des bio­carburants doit avoir un carac­tère durable. » Et il doit être démontré un « gain net en ma­tière d'émissions de, gaz à effet de serre d'au moins 40 % », ajoute le projet de loi.

Les routiers vont, eux aussi, trouver motif à couiner puisque le projet de loi instaure une taxe au kilomètre sur tout transport de marchandises empruntant le réseau routier national.
De quoi intimider les parle­mentaires, qui, après les muni­cipales, ont à se préoccuper des sénatoriales. Ainsi, Philippe Marini, rapporteur UMP du Bud­get au Sénat, a déjà déposé une proposition de loi, le 17 mars, pour contrer le développement de l'éolien prévu par le Grenelle.
Il propose l'organisation obli­gatoire d'un vote consultatif des habitants avant tout projet d'im­plantation d'éoliennes soumis à enquête publique, soit les mou­lins à vent de plus de 50 mètres de hauteur.
Une double consultation du public d'autant plus étonnante qu'elle n'existe ni pour la création d'une centrale nucléaire ni pour celle d'un incinérateur ou d'une décharge.
En résumé, tant que la loi ne sera pas gravée dans le marbre, le grand dessein écologique de Sarko restera soumis aux fluc­tuations politiques d'élus de plus en plus réchauffés par les lob­bies de tout poil.
Jean-Michel Thénard
Le Canard enchaîné - 26/03/2008

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