"Un infarctus routier est un scénario crédible, si nous ne réagissons pas à temps » Cette déclaration faite mardi 15 juillet par le ministre allemand des transports Wolfgang Tiefensee au quotidien Handelsblatt, pourrait tout aussi bien s'appliquer à la France. La thrombose routière globale ressemble à une catastrophe annoncée. Ce problème chaque jour plus aigu, est liée à un manque de volonté politique, plus qu'à des difficultés techniques.
Certes, les dispositions sur les transports du projet de loi dit « Grenelle 1 », qui doit être débattu au Parlement début octobre, vont dans le bon sens, mais souhaitons que ces mesures ne rejoignent pas le cimetière des promesses non tenues, comme l'engagement gouvernemental, pris en 2000, de relance du fret ferroviaire, qui s'est traduit par... une diminution.
La route assure aujourd'hui quelque 73 % du transport terrestre de fret en Europe (en tonnes/kilomètre), contre 17 % pour le rail. En 2020, le fret routier devrait atteindre le double du niveau de 2000. En France, les poids lourds représentent un peu plus du quart des émissions de CO2 dues au transport routier, soit quelque 6 % du total des rejets, toutes origines confondues.
Accidents, bouchons, pollution, dégradation des infrastructures routières... la liste des dégâts du « tout-camion » est longue. Mais les enjeux économiques, la complexité du sujet, la force des lobbies, expliquent la timidité des acteurs concernés, voire les politiques de gribouille menées depuis des années. Alors même que les pouvoirs publics et la SNCF n'ont pas su, ou pas voulu, enrayer le déclin du fret ferroviaire, les « autoroutes de la mer », qui devaient contribuer à désengorger les routes, sont un échec. Elles le resteront tant que de nouvelles contraintes sur le transport routier, en termes de contrôles et de réglementation, de respect de la sécurité, etc., n'infléchiront pas les choix des transporteurs et de leurs clients.
Face à l'urgence, l'union européenne commence à réagir. Un péage autoroutier spécifique est déjà
en vigueur dans quelques pays, en Allemagne par exemple. La modification de la directive « eurovignette », adoptée par la Commission de Bruxelles le 8 juillet, prévoit de généraliser ce principe « pollueur-payeur » pour les poids lourds, mais sur la base du volontariat des États.
Il est courant que des produits en cours d'assemblage fassent des va-et-vient en Europe : leurs processus de production n'ont intégré, dans les calculs de rentabilité, ni les coûts collectifs du trafic des camions ni l'explosion du prix des carburants. De tels allers-retours, contraires aux principes du développement durable, devraient à l'avenir être limités.
Il faudra aussi, un jour ou l'autre, poser publiquement la question du recrutement, de la formation, et sans doute de la rémunération et des conditions de travail des chauffeurs routiers qui sillonnent l'Europe, et dont le comportement donne trop souvent des sueurs froides aux usagers des autres véhicules : intimidations, dépassements dangereux...
Même en dehors de l'alcool au volant, le non-respect, beaucoup trop fréquent, des limitations de vitesse et des distances de sécurité devrait entraîner des réponses policières plus fermes.
Peu à peu, l'idée que, sur les autoroutes, les trafics des véhicules individuels et des camions soient séparés, fait son chemin. Elle est déjà expérimentée en Europe sur certains tronçons. La Fédération nationale des transports routiers (FNTR), propose elle-même plusieurs mesures, qui combinent limitation des émissions de gaz à effet de serre et renforcement de la sécurité ; notamment la limitation de la vitesse des poids lourds à 80 km/h, l'interdiction de doubler sur autoroute, le développement du transport combiné (rail-route, merrail...). C'est un début.
C'est bien la question de la volonté politique qui est posée. Ainsi, la mise en oeuvre des deux premières mesures suggérées par la FNTR relève de la simple réglementation. Faudra-t-il un accident majeur pour que les pouvoirs publics prennent dans l'urgence des décisions qui n'ont déjà que trop tardé ?
D'après l'article de Jean-louis Andreani - Le Monde - 19/08/2008
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